La pair-aidance représente aujourd’hui un pilier essentiel dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Fondée sur le principe que l’expérience vécue constitue une expertise unique et précieuse, elle permet une approche complémentaire aux dispositifs institutionnels existants.
Le savoir expérientiel qui se transmet par la pair-aidance apporte une dimension unique à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, induisant des bénéfices pour l’ensemble des parties, comme la réduction de l’isolement, l’acquisition de stratégies d’adaptation, le renforcement de l’autodétermination pour les personnes accompagnées ; la valorisation de leur expérience, un développement personnel et professionnel pour les pair-aidants et du côté des professionnels, cela apporte un éclairage complémentaire et une évolution des pratiques et des représentations.

Dans ce nouvel article, nous vous proposons d’analyser quelques enjeux de sa mise en place et vous donnons des exemples d’actions co-construites avec les pair-aidants, mises en place et coordonnées par le Mouvement et la MDPH dans les Bouches-du-Rhône.
Une forme nouvelle d’accompagnement
La pair-aidance ne se substitue pas aux accompagnements institutionnels et professionnels, mais elle est bien complémentaire puisqu’elle va permettre une approche plus horizontale et ancrée dans le vécu, permettant ainsi de réduire les écarts entre l’offre institutionnelle et les besoins réels des personnes accompagnées.
Les pair-aidants apportent une écoute empreinte d’expérience, une compréhension intime des défis du quotidien et des solutions souvent issues de l’expérimentation personnelle, quand les professionnels du médico-social eux, apporteront des ressources spécialisées. Par exemple, un professionnel peut informer une personne sur ses droits et les démarches à suivre, mais un pair-aidant pourra partager son propre parcours et des astuces concrètes pour surmonter les obstacles administratifs ou du quotidien.
De même, dans un établissement médico-social, l’intégration de pairs-aidants peut favoriser un climat plus bienveillant et faciliter l’adhésion des personnes accompagnées aux dispositifs proposés. En articulant ces différentes formes d’accompagnement, on favorise ainsi un parcours plus fluide, mieux adapté aux réalités des personnes en situation de handicap.
Les origines
La pair-aidance trouve ses racines dans les mouvements d’émancipation des personnes handicapées. Formalisée dans les années 1960-1970 aux États-Unis avec le mouvement « Independent Living » (Vie Autonome) porté par Ed Roberts à Berkeley, elle s’incarne dans la devise « Nothing about us without us » (Rien pour nous sans nous). Le premier Centre pour la Vie Autonome en 1972 intègre ce principe en impliquant directement les personnes handicapées comme conseillers. Parallèlement, le « Recovery Movement » en santé mentale développe des approches similaires.
En France, cette approche gagne en reconnaissance depuis les années 2000, avec un tournant majeur lors de l’arrivée de la loi du 11 février 2005, qui valorise l’expertise d’usage et place la personne au centre des dispositifs d’accompagnement et de son projet de vie.
Pourtant, ce n’est qu’en 2014, que l’État met en lumière le besoin de pair-aidance dans le champ du handicap, avec le rapport « zéro sans solution », remis par son conseiller d’État Denis Piveteau.
Ce rapport aboutit à la mise en œuvre de la démarche “Une Réponse Accompagnée Pour Tous” (RAPT) qui se décline en quatre axes, dont un dédié au soutien par les pairs, dans le but de favoriser une dynamique d’accompagnement et de soutien.
Une action ouverte à tous les handicaps ?
Malgré certaines avancées, comme sa présence dans la stratégie quinquennale médico-sociale (2017-2022), la stratégie nationale autisme (2018-2022), ou encore la feuille de route Santé mentale (2018), le cadrage et la définition claire des rôles et limites de chacun n’est pas sans difficultés.
Aujourd’hui la pair-aidance a surtout fait sa place dans la santé-mentale, mais elle se déploie aujourd’hui à travers plusieurs formes et modalités, avec le développement de formations qualifiantes, la création de postes dédiés dans les établissements, l’intégration dans les projets d’établissement et de service, la participation aux instances de gouvernance des établissements ou encore la sensibilisation et la formation des professionnels.
De plus, ces mises en œuvre sont proposées par des pair-aidants salariés et/ou bénévoles, ce qui vient aussi questionner l’équilibre à trouver avec des personnes reconnues et valorisées et d’autres qui le proposent bénévolement.
Des efforts de la part des autorités médico-sociales sont en cours, notamment avec la publication de la note de cadrage sur la pair-aidance, publiée par la Haute Autorité de Santé en janvier 2025, mais la fragilité des financements reste un enjeu majeur.
En effet, cet enjeu financier atteint directement la reconnaissance statutaire et la rémunération des pairs-aidants, lorsqu’ils sont salariés. Sans un investissement fort dans la reconnaissance de la pair-aidance en tant que nouvelle forme d’accompagnement médico-sociale de la part des institutions, les professionnels peineront à suivre les recommandations.
Malgré ces questionnements et difficultés, la pair-aidance représente un changement de paradigme dans le soutien des personnes en situation de handicap, reconnaissant que l’expérience vécue constitue une ressource précieuse pour construire des accompagnements plus adaptés, flexibles et personnalisés.
De nombreux acteurs de notre réseau proposent de la pair-aidance, parfois même sans le savoir. Cela peut prendre différentes formes, comme les groupes de parole au sein des associations de personnes ou de familles, un accompagnement entre proches-aidants.
Dès 2017, le Mouvement Parcours Handicap 13, en partenariat avec la MDPH, s’est emparé de la question et propose une approche unique, ouverte à tous les types de handicap sous forme des rencontres, des permanences et des groupes de travail avec différents pair-aidants, dans plusieurs villes à travers le territoire. Pour découvrir l’ensemble des actions et y participer, rendez-vous sur notre page de l’action.
Cap sur l’avenir
La pair-aidance représente aujourd’hui un outil précieux, complémentaire aux dispositifs traditionnels d’accompagnement. Son développement témoigne d’une évolution profonde dans la manière de concevoir le handicap : non plus seulement comme un objet de soins et d’assistance, mais comme une expérience porteuse de savoirs et de compétences à partager.
Sa reconnaissance nationale, bien qu’encore en construction, a progressé significativement ces dernières années. Elle reflète une évolution des politiques publiques vers une plus grande valorisation de l’expertise d’usage et une participation accrue des personnes concernées dans les dispositifs qui les concernent.
Les professionnels et les associations ont tout intérêt à s’inscrire dans cette dynamique pour enrichir leurs pratiques et proposer un accompagnement plus complet et multi-dimensionnel des personnes en situation de handicap.